[Reproduit et adapté de l’article en français de Wikipedia]
Presentation de l’artefact
L’oiseau de Saqqarah est un artefact en bois de sycomore découvert en Égypte dans la nécropole de Saqqarah. Daté de 200 av. J.-C., en pleine dynastie des Ptolémées (issue du général macédonien Ptolémée), l’objet fait partie des collections permanentes du musée égyptien du Caire. L’objet représente un faucon. Il pèse 39,12 grammes et a une envergure de 14,2 centimètres. La pièce composant les ailes fait 18 centimètres de long.
Les hypotheses
Le peu de documentation contemporaine sur l’objet oblige les archéologues à spéculer quant à la finalité de l’oiseau de Saqqarah.
Il aurait pu être utilisé à des fins rituelles. Sa forme de faucon, représentation commune de certains dieux les plus importants de la mythologie égyptienne dont le dieu Horus, est un des symboles de la royauté. Il aurait pu aussi être un jouet – il est classé comme tel dans les collections du musée égyptien du Caire – ou une girouette.
Le docteur Khalil Messiha affirme que l’oiseau de Saqqarah est la preuve que les principes de bases de l’aviation étaient connus avant leur découverte officielle. Cette position reste débattue dans les milieux académiques. L’absence d’un plan horizontal (retiré ou jamais ajouté) laisse planer le doute sur l’aérodynamisme démontré, un avion ne pouvant voler sans cet élément.
Le docteur Messiha a construit une réplique 6 fois plus grande de la statuette, lui a ajouté un aileron horizontal, et a maintenu que son aéroplane volait. Martin Gregorie, spécialiste britannique d’aérodynamisme, a également construit un modèle plus grand de la statuette, mais il a déclaré pour sa part que le sien ne volait pas. Un autre expert britannique en aéronautique de l’université de Liverpool, Simon Sanderson, a opéré des tests de vol concluants avec une réplique de la statuette dans des couloirs d’air, et en a conclu après avoir étendu ses recherches dans un centre de stimulation aéronautique, que l’oiseau de Saqqarah devait très bien voler dans les courants aériens égyptiens.
En 2001, dans un article intitulé Model Airplane?, l’égyptologue Larry Orcutt remet en question la cohérence du lien avec le domaine aéronautique vu le manque d’attributs technologiques visibles sur la statuette, mais reste tout aussi perplexe quant à la singularité de la statuette et son éventuelle fonction. Dans son article An Egyptian Model Airplane, John H. Lienhard de l’école d’ingénieur de l’université de Houston contemple la possibilité d’une piste aéronautique, sur la base de l’exactitude des principes aérodynamiques de l’objet.
Le debunk
Bien évidemment, sculpter un artefact qui ressemble à un oiseau en plein vol ne peut conduire qu’à une forme compatible avec les lois de l’aérodynamique, au moins partiellement, sinon totalement. Réaliser des maquettes ressemblantes ou des simulations numériques ne peut donc qu’être probant et n’apporte aucun argument déterminant.
Peut-on supposer que cet artefact serait la maquette d’un objet plus gros ? Oui, mais cela ne veut pas dire que cela a été réalisé. Et cela même si ladite maquette est très réaliste, une forme miniature ne saurait se substituer à la connaissance réellement nécessaire pour une réalisation. Ainsi, un artisan peut sculpter dans du bois une chimère, un dieu, car cela est dans sa culture, sans que cela soit physiquement existant dans le monde réel. Aussi une ressemblance à une échelle donnée avec le même objet imaginé plus grand comme similaire à une invention moderne, reste une projection d’un élément de notre culture sur une culture plus ancienne.
L’avion – qui puise son origine étymologique dans le mot avis, oiseau en latin – est par nature une imitation du vol des oiseaux, mais par des ailes rigides, là où la Nature les a faites articulées et où un artisan pourra difficilement les imiter dans ce domaine, les remplaçant par leur forme rigidifiée lorsque l’oiseau plane. En revanche, les deux s’appuient sur la mécanique des fluides pour réussir à fonctionner puisque les lois de la physique sont les mêmes.
Que cet artefact puisse être l’un des premiers essais de l’aéromodélisme, donc un jouet à taille réelle, capable de se mouvoir dans l’air ne serait-ce que sur une courte distance, est une hypothèse probable. Cela resterait un objet d’exception même si sa forme ne traduit pas une connaissance en aérodynamique.
Le débat sur la queue de l’oiseau qui est verticale et non horizontale est intéressant aussi car il relève d’une volonté de transformer l’artefact pour lui faire dire autre chose que ce qu’il est. Alors que dans l’hypothèse où il serait un élément de décoration à accrocher, une queue verticale aux angles droits pourrait trouver aussi une justification utilitaire.
Ceci nous montre d’ailleurs que même des experts compétents dans leur domaine, peuvent projeter une hypothèse en étant influencés par leur époque : ils essaient de trouver les points communs avec des avions modernes là où il n’y a peut-être rien, sans que l’on puisse finalement décider.
Enfin, et le détail mérite une attention particulière, cet artefact date de l’époque ptolémaïque, donc de la période grecque de l’Egypte Antique. Conclure que les égyptiens de cette époque avaient des connaissances en aéronautique alors qu’ils étaient sous administration grecque, est un raccourci un peu rapide, d’autant que le mythe grec d’Icare est très ancien et se déroule sous la civilisation minoenne au 3ème millénaire avant Jésus-Christ. Le rêve de voler dans les airs pourrait donc provenir de cette culture étrangère à l’Egypte, option qui est souvent passée sous silence dans des émissions comme « A la recherche des vérités perdues », qui donne un âge de 2000 ans à l’oiseau de Saqqarah, donc le rend faussement contemporain de l’Empire Romain – 3 siècles après sa datation effective.
Notre conclusion est donc sans doute possible : la probabilité que les égyptiens sous les Ptolémée connaissaient les lois de l’aérodynamique est beaucoup plus faible (voire nulle) que la probabilité que cet artefact soit un jouet ou un ornement. Qu’un floue soit admissible sur cet artefact est cohérent et on ne peut effectivement décider avec une absolue certitude de cet usage.
En revanche, ne pas présenter un débat contradictoire sur cet artefact relève de la désinformation.