Ankh : La preuve d’une crédible et visible technologie des Egyptiens

Résumé

Julie Couvreur nous offre sur sa chaîne YouTube Une autre réalité, une vidéo intitulée L’Ankh, l’incroyable technologie cachée des Egyptiens, publiée le 13 juillet 2019, d’une durée de moins de 24 minutes, et dont la description est la suivante :

« L’Ankh pourrait avoir une signification bien plus mystérieuse que « croix de vie égyptienne »… Il pourrait s’agir de la schématisation d’une technologie avancée héritée d’un peuple antédiluvien, léguée aux Egyptiens. Dans les années 90, Guy Gruais et Guy Claude Mouny isolent ce symbole et en donnent une interprétation audacieuse dans « Le grand secret du signe de vie », mêlant égyptologie, technologie de pointe et réminiscences de l’Atlantide. »

https://www.youtube.com/watch?v=PaZzv6n7-Xc, consultée le 20/05/2023

Nous proposons dans le présent article de démontrer pourquoi cette conjecture ne repose sur aucun fait, et surtout, quelle est la véritable technologie que la croix Ankh exprime pour qui observe et étudie attentivement ce symbole de l’écriture hiéroglyphique égyptienne.

Extrêmement présente dans cette culture pendant plus de 3500 ans, la croix ansée doit souffrir ici d’une narration qui tente une appropriation sans vergogne d’un élément fondamental de l’Egypte Antique. Une autre réalité ou une totale fiction ?

Notons immédiatement qu’aucune référence de source documentaire n’est fournie dans cette description, sinon un livre principalement, quelques textes étant évoqués pendant la vidéo et que nous rapporterons au cours de notre analyse pour en préciser la provenance.

Sommaire

  • Qui sont les auteurs ?
  • Description de la vidéo proposée :
    • Sa structure
    • Les sources textuelles et visuelles
  • La décontextualisation chronologique et culturelle
  • La décontextualisation des hiéroglyphes
    • Extraire les signes des textes
    • Ne voir que quelques occurrences des signes
    • Sortir les symboles du système d’écriture
  • La surinterprétation : une grossière erreur
  • Conclusion

Qui sont les auteurs ?

Youtubeuse s’exprimant sur sa chaîne Une autre réalité, Julie Couvreur vous propose une « archéologie alternative ». Ses hypothèses sont néo-évhéméristes, c’est-à-dire faisant appel à l’intervention d’extra-terrestre. Elle remet également en cause le consensus scientifique, comme le darwinisme. Elle s’affiche comme créatrice de vidéos sur son compte Facebook[1].

Figure 1 La page d’accueil de « Une autre réalité » le 21/05/2023

Elle présente son activité de manière synthétique sur sa cagnotte en ligne sur le site Tipeee[2] :

« Je crée des vidéos de manière régulière depuis trois ans. Passionnée par l’histoire alternative et l’ésotérisme depuis une dizaine d’années, il était important pour moi de partager cette passion. »

Nous ignorons donc la nature de son parcours universitaire comme professionnel.

Qui sont Guy Gruais et Guy-Claude Mouny ?

Introduit dans la vidéo comme ancien salarié de chez IBM, Guy Gruais est coauteur avec Guy-Claude Mouny de quatre livres[3] traitant d’hypothèses sur l’Egypte Ancienne, focalisés sur le seul plateau de Guizèh des grandes pyramides.

Nous n’avons que peu d’éléments sur Monsieur Mouny[4]. Sa page Wikipédia est succincte : il est mort en 2007. Ancien colonel de réserve, connu pour ses écrits d’égyptophile de 1989 à 2006. Il a notamment écrit L’Ankh : l’incroyable technologie cachée des Egyptiens, publié en 2006 aux Editions des 3 Spirales. En voici le résumé :

INCROYABLE, MAIS VRAI ! Alors que des millions de personnes sont passées devant le hiéroglyphe égyptien Ankh sans autre émotion que d’y voir ce que l’on appelle couramment  » la Croix de Vie « , G. C. Mouny découvre ce symbole sur place en 1987 et est vite convaincu que ce  » signe de Vie  » ou  » Croix Ansée « , omniprésent dans les fresques égyptiennes, cache de nombreux mystères d’ordre spirituel et matériel, directement liés à l’Homme et à ses origines. Ce colonel de réserve (au flair infaillible et à la curiosité insatiable), arrivera rapidement à la conclusion que derrière cette Croix se profile l’indice d’une civilisation très ancienne, antérieure aux Pharaons et probablement extérieure même à notre Terre . La résurgence de techniques inattendues et très sophistiquées (peut-être non égalées de nos jours), en provenance de l’ancienne Egypte, se devait d’être sérieusement étayée. Aussi ce livre met-il surtout en avant, grâce à divers concours, les techniques d’électromagnétisme transparaissant dans les hiéroglyphes, idéogrammes et pictogrammes, c’est-à-dire la COMMUNICATION sous toutes ses formes. Pas le téléviseur de Néfertiti, mais peut-être pire ou… meilleur ! Il nous a paru intéressant que le public (averti ou non) soit tenu au fait de ces découvertes vitales pour notre évolution et la compréhension des clés de notre existence, divulguées jusque-là confidentiellement. Le lecteur pourra alors, s’il le veut, faire pression pour que les Intelligences d’hier préludent enfin au débouché de celles de demain. Une nouvelle clef pour l’avenir ! À coup sûr un pas en avant dans la compréhension de notre Monde !

Nous précisons ici que la narratrice, Mme Couvreur, n’indique pas si elle expose dans sa vidéo ses propres hypothèses ou si elle relate une lecture stricte ou interprétée de cet ouvrage de 2006 : il n’est pas mentionné explicitement, la vidéo partageant le même titre sans plus de précision. Et alors que sa description mentionne un autre livre Le grand secret du signe de vie de 1996.

Si Gruais et Mouny sont coauteurs du premier ouvrage en 1996, seul Mouny est auteur du second en 2006 … et sans aucune explication de Mme Couvreur sur la raison de cette confusion entre les deux ouvrages. Et cela en 2019, 12 ans après le décès du principal intéressé.

Par défaut, et dans ce qui suit, nous considèrerons donc que Mme Couvreur fait une lecture du livre coécrit le plus ancien sans certitude (ils sont indisponibles à la vente), ni qu’elle exprimerait ses opinions personnelles. Cependant, comme elle ne propose pas une démarche contradictoire spontanément, et étant donnée la description qu’elle fait elle-même de son activité, nous considérons qu’elle adhère aux idées exposées.

Nous notons un commentaire de Monsieur Gruais sous la vidéo et supposons de son authenticité, ne pouvant pas vérifier qui est son rédacteur qui pourrait avoir usurpé l’identité ou être un homonyme. Nous partons du principe qu’il s’agit de lui toutefois.

Figure 2 Commentaire d’un Guy Gruais semblant être l’un des auteurs du livre

Nous notons dans ce commentaire une prise de position personnelle de Mme Couvreur :

« L’académisme empêche certains de voir ».

Nous lui répondrons en conclusion.

Description de la vidéo proposée

Sa structure

Cette vidéo est composée 12 séquences que nous référençons de S1 à S12 :

Réf.ChronoTitreDescription
S100:00Introduction visuelle, les commentaires commençant à la 52’’
S203:06Ankh 
S305:40L’électricité 
S408:30Quand l’Ankh se met à parler 
S509:45La diode 
S610:45Le Djed 
S710:54Le Neb 
S814:24Le Tyet 
S916:15 Réunion des 4 symboles
S1017:21L’Ouas 
S1120:00 Pause visuelle
S1220:55 La conclusion

Dès la première séquence, est posée l’hypothèse de Guy-Claude Mouny et Guy Gruais en référence à leur ouvrage coécrit Le Grand Secret du Signe de Vie dans lequel ils exposent leur conjecture dans les années 90 : le signe Ankh associé à d’autres, serait « la représentation d’une technologie avancée héritée d’une civilisation disparue » (2:59).

Dans sa dernière séquence, faisant office de conclusion, Mme Couvreur expose que les égyptiens sont bien héritiers d’un savoir mais qu’ils ne le comprenaient probablement pas en tant que tel, se bornant à « transmettre des schémas avec même des erreurs d’interprétation qui semblerait confirmer un usage non effectif par ce peuple. Il s’agirait de copies de mêmes documents de base […] d’une cache contenant du matériel » (21:33).

Entre l’introduction et la conclusion sont énumérés une suite d’éléments produisant à la fois un effet narratif mais surtout l’apparence de la logique. Cette vidéo se trouve en réalité être un raisonnement circulaire : l’hypothèse et la conclusion sont identiques.

En d’autres termes, elle conduit nulle part et nous ne sommes pas en capacité de savoir si le ou les livres sources auquel elle se réfère suivent la même construction.

Rien n’est donc prouvé ni prouvable.

Les sources

Cette vidéo évoque les événements historiques ou mythologiques suivants sans en donner les références :

  • Au chrono 5:53, la découverte de l’électricité statique par Thalès de Millet en 700 avant l’ère commune
  • Au chrono 6:30, sur le principe découvert par Galvani en 1786, Volta construit vers 1796 la première pile
  • Au chrono 7:34, l’auteur et médium américain Edgard Cayce (1877-1945) est mentionné, indiquant les rôles de plusieurs sites précis ou vagues, allant du Sphynx de Guizèh au désert de Gobi, mais aucun de ses textes précis. Cet auteur permet à Mme Couvreur d’introduire le mythe de l’Atlantide l’un des sujets de prédilection du médium.
  • Au chrono 8:43, « l’effet » Lichtenberg est présenté comme une expérience possible à conduire avec la Croix Ankh – expérience qui fit « méditer » Guy Gruais

Si les deux premiers événements sont exacts – bien que non sourcés – les troisième et quatrième sont hors sujet.

Edgard Cayce est en effet clairement identifié comme mystique et surtout apparait en toute lettre dans un rapport[5] public de 2010 de la Mission Interministérielle de Lutte contre les Dérives Sectaires (MIVILUDES) :

« La diffusion croissante de prophéties apocalyptiques auprès du grand public constitue aujourd’hui la manifestation la plus visible, en Russie, du «phénomène 2012». Les librairies proposent à cet égard des rayons particulièrement fournis d’ouvrages de voyance et de prophéties, de Nostradamus à la littérature américaine du New Age – Edgar Cayce, Prophéties des Mayas, etc. »

Edgar Cayce n’est pas ce que l’on pourrait appeler un auteur produisant des sources « fiables », bien au contraire. Et en l’absence de sources explicitement désignées, nous ne pouvons donc apporter de critiques sur ses textes sinon souligner le caractère très bancal de l’auteur.

Concernant l’effet Lichtenberg mentionné, il n’existe pas à proprement parler mais seulement des figures de Lichtenberg. L’effet provoquant ces figures fractales se nomme plus ordinairement une ionisation, les images produites n’étant que la matérialisation physico-chimique des arcs électroniques du phénomène s’imprimant sous certaines conditions.

Ce phénomène est très voisin de l’effet Kirlian, bien connu des milieux de la pseudoscience et dénoncé par l’Association Française d’Information Scientifique (AFIS) dans un article en ligne[6]. Une pratique très répandue dans les milieux ésotériques et se manifestant souvent dans des dérives sectaires : l’effet Kirlian est utilisé pour produire des photos d’aura des personnes et des objets par ionisation superficielle des surfaces – notamment la peau humaine (qui n’ont en réalité aucune aura), et sont utilisées pour tenir un discours de manipulation.

Cette vidéo mentionne trois sources textuelles principales sans fourniture de leurs références (ou très mal), ayant des origines très discutables :

  • Au chrono 6:53, le manuscrit indien « vieux de 4000 ans, le Agastya Samhita » est présenté comme contenant le plan de fabrication d’une batterie parfaitement fonctionnelle. Un lien (non cliquable) est inclus dans la vidéo, renvoyant vers la chaîne YouTube d’un certain Praveen Morvan :
https://www.youtube.com/phenomenalplacecom
  • Au chrono 9:35, une section du Livre des Morts extraite du Papyrus[7] d’Ani, correctement daté de 1420 avant l’ère commune, servira de source récurrente à la conjecture exposée.
  • Au chrono 15:50, un autre section du Livre des Morts, la scène de la Pesée de l’Âme, est présentée, mais sans précision indiquée d’être extraite du Papyrus d’Ani.
  • Enfin au chrono 22:00, le livre de T. Lobsong Rampa, la Caverne des Anciens[8], est mentionné.

Concernant l’Agastya Sahmita, ce texte existe bel et bien : il est une compilation de plusieurs ouvrages écrits en sanskrit et attribués au sage légendaire Agastya[9], père d’une forme de médecine traditionnelle du sud de l’Inde.

« Il [ndla : Agastya] est fils du couple des dieux Mitra et Varuṇa et de la femme céleste Urvaśī. Les traditions ultérieures le font naître dans une jarre. »

Cet auteur n’est pas identifiable en tant que tel et vouloir dater une compilation de textes anciens en sanskrits sans désigner un exemplaire relève de l’impossible. Le plus ancien texte écrit en sanskrit est le Rig-Veda dans lequel Agastya est mentionné – et dont les datations varient de 6000 à 1200 avant l’ère commune[10]. L’Agastya Sahmita en l’occurrence est daté environ de 1500 à 1200 avant l’ère commune – donc vieux de 3200 à 3500 ans (et non 4000). Dans le sujet qui nous intéresse, il n’est pas une source réellement exploitable.

Quant à Praveen Morvan, il relaie des croyances populaires de sa propre culture et est surtout un ufologue dont voici la traduction de la présentation de sa propre chaîne YouTube :

« Salut, merci d’avoir atterri ici ! Cette chaîne était auparavant connue sous le nom de « Vidéos de voyage phénoménales ». Je suis Praveen Mohan et j’aime voyager dans des sites antiques du monde entier. Mes abonnés sont géniaux et ils m’ont aidé à apparaître dans des émissions de télévision (oui, Ancient Aliens sur History Channel également), des magazines, des podcasts, etc., etc. Je suis profondément intéressé par la technologie ancienne et j’aime particulièrement rechercher d’anciens temples hindous. J’apprécie votre soutien pour m’avoir aidé à découvrir la science secrète cachée dans les temples de l’Inde. J’adore explorer les concepts d’usinage antique, de Vimanas, d’OVNI, d’extraterrestres et recréer la sagesse de nos ancêtres. Merci d’avoir regardé mes vidéos et bonne journée ! »

Traduction de la page https://www.youtube.com/@RealPraveenMohan/about consultée le 29/05/2023

Ce personnage est donc au même niveau de fiabilité que l’Agastya Sahmita : très faible.

Si nous considérons maintenant le Livre des Morts, nous comprenons surtout que Mme Couvreur ignore tout de CES textes. Car le Papyrus d’Ani existe bien : long de 23 mètres à son origine, il a été découpé par Budge en 37 feuillets, mais il n’est jamais que l’une des occurrences personnalisées du Livre des Morts, dont les traductions les plus complètes des variantes ont été compilées par Claude Carrier[11].

Le Livre des Morts étaient en effet standardisé et produit sur commande dans des ateliers dédiés. Ici le commanditaire se nomme Ani : il était probablement scribe royal et avait demandé ce texte pour sa tombe. Ani n’est donc pas l’auteur du manuscrit contrairement à ce que semble croire Mme Couvreur quand elle l’évoque dans sa vidéo.

Et il est même prouvé que le Papyrus d’Ani fut rédigé par plusieurs scribes[12]. Notons également que son texte n’est pas écrit seulement en hiéroglyphes mais aussi et surtout en hiératique[13].

Le second passage du Livre des Morts, la scène de la Pesée du Cœur, consiste à mettre en équilibre le cœur (siège de la pensée dans la culture égyptienne – et non pas celui des émotions amoureuses) avec la plume de la Mâat, la Vérité, déesse de la Justice. Mais même si Mme Couvreur ne précise pas si elle l’a sélectionnée dans le Papyrus d’Ani ou une autre source, cette section nous semble authentique.

Nous verrons ultérieurement que l’usage qui est fait de ces sources est invalide.

Enfin, Lobsang Rampa, de son vrai nom Cyril Henry Hoskin (1910-1981), est un auteur britannique, fils d’un plombier, installateur d’équipements chirurgicaux au chômage. Une enquête réalisée en 1958 a établi qu’il n’est jamais allé au Tibet, ne connaissait rien de la langue et de la culture tibétaines – informations grandement accessibles du public.

Ses écrits se sont avérés être des canulars littéraires, au point que le 14ème dalaï lama lui-même a été contraint de prendre position contre Hoskin et dénoncer la supercherie[14].

« En 1964 ou 1965, Arnaud Desjardins, qui filmait les lamas en exil en Inde, rapporte les propos de Tenzin Gyatso, 14e dalaï-lama au sujet du premier livre de Rampa : « chaque fois que vous en aurez l’occasion, précisez que Le Troisième Œil de Lobsang Rampa n’est pas un document, mais une pure fiction d’un auteur occidental ».

Rampa est largement dénoncé par le Centre Contre les Manipulations Mentales[15] pour le terrain sectaire des idées qu’il a diffusées par sa littérature :

« En 1958, un groupe d’experts sur le Tibet embauche un détective privé afin d’enquêter sur Rampa. L’auteur du Troisième œil serait en réalité un certain Cyril Henry Hoskin, né en 1910 à Plympton dans le Devon, un comté du sud-ouest de l’Angleterre. Son père était plombier, Hoskin n’était jamais allé au Tibet et ne parlait pas tibétain. Il était employé dans une entreprise de cours par correspondance. En 1948, il avait officiellement fait changer son nom en Carl Kuan Suo (ou Dr Kuan Suo) avant d’adopter le pseudonyme littéraire de Tuesday Lobsang Rampa. »

Concernant les sources visuelles insérées dans la vidéo, mais non commentées, nous en reconnaissons plusieurs. Toutefois nous soulignons que ces sources sont entremêlées d’images d’illustration qui participent d’un effet de narration et ne sont pas support des conjectures proposées : elles viennent habiller le propos dans plusieurs séquences mais n’apportent rien.

Nous notons quelques-unes d’entre elles car notablement significatives de la construction par Mme Couvreur qui influence ainsi l’auditeur :

  • Au chrono 6:31, une pile de Volta issue d’une reconstitution
  • Au chrono 6:58, une figure représentant une batterie, le commentaire vocal l’associant à la couverture en caractères d’imprimerie de ce qui semble être d’une traduction de l’Agastya Sahmita – sans référence précise
  • Au chrono 7:05, la pile de Bagdad prétendument découverte en 1936
  • Au chrono 7:14, l’ampoule représentée sur le mur Temple d’Hathor à Dendérah

Précisons immédiatement que ces montages successifs reposent sur des éléments bien connus de la désinformation en archéologie : la pile de Bagdad ayant été étudiée par le CNRS[16] et un artefact maintenant introuvable car il aurait été perdu ! Les conclusions des physiciens sont donc sans appel :

« L’hypothèse de la pile, qui pose, comme on l’a vu, de sérieux problèmes techniques, même si l’expérience est envisageable, reste à ce jour historiquement, archéologiquement et scientifiquement peu vraisemblable. »

Quant à l’ampoule de Dendérah, elle est en réalité une représentation de la naissance du serpent Apopis dans une fleur de lotus, une paréidolie bien connue et largement expliquée, et dont les détournements sont très régulièrement dénoncés comme ici sur France 24[17].

D’autres manipulations très maladroites sont également à souligner comme au chrono 7:58, un faux-montage présentant la statue d’un taureau ressemblant à l’Apis égyptien, sous l’océan atlantique, titré « au large des îles Bimini » alors qu’il n’y a en cet endroit aucun signe d’occupation humaine mais une formation naturelle[18] bien connue des géologues.

Nous trouvons également au chrono 8:30, le célèbre palimpseste d’Abydos[19] – censé représenté un tank, un hélicoptère et une soucoupe volante/un avion, une paréidolie qui se trouve être en réalité la superposition de deux noms de pharaons différents, superposés dans un même cartouche, le premier étant spolié par le second – usage très répandu dans la culture égyptienne.

Ainsi, Mme Couvreur ne cesse d’illustrer ses propos par des montages d’éléments récurrents qui ne constituent non seulement aucune preuve d’une connaissance issue d’une civilisation disparue, mais démontrent surtout qu’elle s’appuie sur tous les clichés les plus connus de la pseudo-archéologie et le plus largement contestés – quand ils ne sont pas des mystifications pures et simples.

La vidéo, à partir de la séquence S5 sur la diode, et jusqu’à la séquence S10 sur le sceptre Ouas, ne cesse de faire le parallèle entre des symboles égyptiens et des artefacts électroniques contemporains ou leurs propriétés (diode, condensateur, antenne, pile électrique, haut-parleur, filament, bobine d’oscillation, circuit, microphone, tension, énergie, intensité, fréquence, …)

Toutes ces comparaisons visuelles ne reposent bien entendu sur rien, la vidéo montrant par la narratrice que Guy Gruais et Guy-Claude Mouny ne connaissent ABSOLUMENT rien des hiéroglyphes égyptiens.

Nous ne nous étendrons donc pas davantage sur les sources visuelles qui, tout comme les sources textuelles ont grandement démontré leur total manque de fiabilité.

Nous préférons démontrer dans ce qui suit comment les auteurs procèdent pour décontextualiser l’écriture et ainsi projeter leurs conjectures qui, disons-le, relève de la plus simpliste des fantaisies.

La décontextualisation chronologique et culturelle

Concernant la chronologie de l’histoire égyptienne, Mme Couvreur exprime une opinion répandue dès la première minute, mais grandement erronée selon laquelle la civilisation égyptienne serait apparue d’un coup dans toute sa magnificence et sa perfection :

« Dès le 4ème millénaire, l’Egypte issue d’un civilisation primitive banale s’impose brusquement de manière fabuleuse sur les rives du Nil » 

C’est grandement méconnaitre les travaux réalisés sur la période prédynastique car la naissance d’une monarchie unifiée en Egypte, la Première Dynastie de Narmer[20], est en réalité le résultat d’une très longue maturation de 2500 ans : l’époque prédynastique s’étale d’environ 5500 à 3000 avant l’ère commune, soit environ 3000 ans d’évolution avant que les égyptiens soient regroupés sous la bannière d’un Kheops pour bâtir la Grande Pyramide sous la IVème Dynastie. Bien plus long que la naissance de la France à titre de comparaison.

Peu de traces monumentales subsiste de cette époque cependant mais la période dite de la culture Nagada  (environ 3900 à 3150 avant l’ère commune) est étudiée avec attention par de nombreux égyptologues comme Gwenola Graff[21].  Cette époque est décomposée par les spécialistes en trois périodes conventionnellement nommées Nagada[22] I, II et III correspondant à des expressions différentes de la culture néolithique d’Egypte, qui étaient déjà socialement bien établies : des traces d’élevage et d’agriculture étaient déjà observables[23]. Elle n’a rien de banale et primitive !

Les hiéroglyphes sortent-ils eux-mêmes de nulle part ? Un article[24] de 2017 relatait la découverte d’inscriptions de plus de 5200 ans, donc vers 3180 avant l’ère commune : la fin de la période Nagada, près de 700 ans avant Kheops ! Une découverte d’une grande importance car l’invention d’un système d’écriture suppose une langue parlée commune et l’existence d’un groupe social assez cohérent pour construire une convention d’écriture et de représentation des idées – sans que cela ne soit synonyme d’avoir une architecture monumentale.

Cet argument de la prétendue soudaineté de la civilisation égyptienne est souvent utilisé pour affirmer qu’ils ne seraient que les héritiers d’une autre civilisation très avancée (l’Atlantide est souvent évoquée), seule explication d’un bon en avant.

Comme la découverte d’une prétendue cachette contenant une technologie avancée par Mme Couvreur vers le chrono 21:30, faisant des Egyptiens les héritiers involontaires d’une technologie venue d’ailleurs, et que nous retrouvons par exemple dans cette citation de Dorothée Koechlin de Bizemont dans son livre Les Prophéties d’Edgar Cayce[25] :

« Cayce suggère que le Déluge biblique fut contemporain à la fois de l’Écroulement de l’Atlantide, d’un basculement des pôles, de l’établissement des Caucasiens et des Atlantes en Egypte… et de la construction de la Grande Pyramide. »

En réalité, c’est parce que les constructions et artefacts des périodes de Nagada ne sont plus visibles contrairement à l’architecture monumentale de la IVème dynastie et des suivantes que l’on peut croire à une soudaine apparition. Elles étaient réalisées dans des matériaux non pérennes et on ne peut plus les voir aujourd’hui contrairement aux monuments de pierres taillées pharaoniques.

Dès lors, cette période prédynastique est très méconnue du grand public d’autant que les spécialistes en parlent moins et que le tourisme ne la met pas en avant.

C’est donc bien la décontextualisation chronologique et culturelle qui amène à sortir le sujet, biais par lequel sont autorisées les conjectures des auteurs.

La décontextualisation des hiéroglyphes

Extraire les signes des textes

Dès la description même de la vidéo, et en plusieurs moments de celle-ci, Mme Couvreur indique que Gruais et Mouny ont isolé le symbole Ankh puis d’autres pour les interpréter. Or isoler un symbole d’un texte n’a pas plus de sens que d’extraire toutes les lettres D du présent article pour y voir des smileys. Et c’est bien là le problème de la conjecture proposée comme nous le montrons maintenant.

A deux reprises Mme Couvreur évoque « l’alphabet égyptien », une terminologie inexacte car il n’existe pas d’alphabet au sens strict du mot : un ensemble de symboles représentant les sons élémentaires et unitaires d’une langue. L’écriture hiéroglyphique est en réalité composée de trois catégories de symboles :

  • des phonèmes représentant un à trois sons (unilitères, bilitères et trilitères)
  • des idéogrammes, représentant des concepts
  • des déterminatifs qui ne se prononcent pas et ne sont pas conceptuels : ils servent à lever des indéterminations.

En effet, en hiéroglyphes, les voyelles ne sont pas notées – comme pour toutes les langues sémitiques avec laquelle elle est apparentée. Il fallait donc que le scribe puisse différencier deux schémas consonantiques identiques représentant deux mots différents : un déterminatif.

De plus, certains symboles pouvaient cumuler deux ou même les trois rôles ce qui est justement le cas de la croix Ankh qui est à la fois un trilitère et un idéogramme.

Notons aussi une erreur hiéroglyphique visible dans cette vidéo (vers le chrono 13:09), il y a une incompréhension dans le signe de l’or, qui est un collier[26], désigné comme « mal connu » et étant un « petit banc fait d’osier pour le moins curieux » indique Mme Couvreur.

Elle commet là une erreur – et plus probablement ne fait que répéter l’erreur de Gruais et Mouny.

Improprement prononcé Neb par Mme Couvreur, ce signe se prononce en réalité nbw[27] (conventionnellement nébou en français), représenté parfois autour du cou de personnages dans des bas-reliefs, ce signe sera plus loin confondu avec celui de la corbeille tressée (chrono 16:30), artificiellement placé dans la verticale, et se prononçant nb (conventionnellement neb en français) et qui veut dire le maître ou tout/toute selon les contextes sémantiques :

Figure 3 Les signes S12 (un collier) et V30 (une corbeille tressée) clairement confondus

Ces deux signes ont pour seul point commun de se partager deux consonnes successives : les confondre illustre la méconnaissance effective des auteurs du système hiéroglyphique, et cela dès son niveau le plus élémentaire.

Enfin, la décontextualisation d’un symbole amène également à ne pas savoir lire ce qu’une image peut dire, car les symboles hiéroglyphiques peuvent être associés à des représentations pour être prononcés. Elle est une écriture sacralisée et ornementale,  le système d’écriture courant étant en réalité le hiératique, sa forme simplifiée et cursive.

Voici un élément de contexte de la vidéo qui est totalement incompris et dont nous proposons aux lecteurs la bonne grille de lecture :

Figure 4 Isis d’Or à gauche et Nephtys d’Or à droiteLes hiéroglyphes associés à une image Reconnaissables à leur coiffe respective, la déesse Isis à gauche a un trône st (prononcer « set ») en guise de coiffe, quand Nephtys est chapeautée d’une corbeille Nb surmontant un temple rectangulaire Hwt figurant son nom Nb-Hwt. (prononcer « Nebehout »). Bien entendu, l’une et l’autre de ces déesses n’ont pas plus un trône et un temple sur la tête qu’elles n’ont un banc sous leurs genoux : ici tout est symbole et le fait de placer un collier en or sous ces deux déesses ne veut pas dire qu’il s’agit d’un support physique dans la scène, mais un titre Isis d’Or et Nephtys d’Or qualifiant ainsi leur caractère divin, un titre accordé à d’autres divinité comme le Horus d’Or mentionné par Faulkner dans son dictionnaire.

Cette mise en perspective faite, nous pouvons alors comprendre de multiples affirmations erronées et pourquoi elles ont été faites : l’écriture hiéroglyphique n’est pas connue mais elle est surtout délibérément ignorée pour pouvoir ouvrir la porte à de très libres interprétations.

Ne voir que quelques occurrences des signes

Dès la séquence S1, vers le chrono 1:55, Mme Couvreur affirme que le signe Ankh est à part, qu’il ne serait pas « concret ». Au chrono 2:33, elle prétend que ce signe n’est pas étudié, ne laissant que « quelques lignes dans les ouvrages les plus copieux ». C’est tout le contraire puisque la croix Ankh représente un produit manufacturé de l’artisanat égyptien et qu’il a été grandement étudié et a fait l’objet de nombreuses thèses de nombreux chercheurs.

Rappelons que ce signe est extrêmement représenté et donc possède un grand nombre de variantes d’époques différentes, des plus tardives remontant à l’époque prédynastique jusqu’à la période copte de l’ère commune. Il est donc nécessaire de regarder le plus grand nombre d’entre eux en connaissant leur contexte et également leur datation, pour comprendre le sens graphique de ce signe.

Dans la première grammaire hiéroglyphique[28] de Jean-François Champollion, il attribua au signe de la croix Ankh la valeur phonétique aa du copte (un A long), valeur qui sera mieux précisée ultérieurement par les travaux de ses successeurs[29] : le trilitère anx (ankh) et non pas le seul unilitère de son initiale.

Cependant Champollion ne s’y est pas trompé pour sa traduction : ce signe signifie bien vie et en dérive des mots tels que vivant, le verbe vivre, … selon les contextes.

La classification[30] des signes hiéroglyphiques a été établie en 1927 par Alan Henderson Gardiner (1879-1963). Elle est aujourd’hui toujours en vigueur. Classé par cet égyptologue dans la catégorie « S » des couronnes, vêtements, sceptres, … le signe Ankh y est référencé S34.

Un classement qui n’a rien d’arbitraire et découle directement de l’observation d’un grand nombre d’occurrences des hiéroglyphes, sculptés ou peints, dans le contexte de leurs traductions. Il est notable que le signe S33 d’une sandale Tb (tcheb) soit voisin de la croix Ankh dans cette même classification qui couvre donc des produits manufacturés de l’artisanat égyptien.

Figure 5 Le signe S34 anx dans son utilisation phonétique complété du n et du x

Pourquoi avoir classé ce signe dans cette catégorie ? Parce que l’aspect manufacturé et tressé de la croix Ankh ne fait aucun doute : les éléments et fibres sont visibles dans ses représentations les plus réalistes. L’hypothèse a même été faite qu’elle serait la boucle d’une sandale mais ce point n’a jamais été réellement arrêté et reste à l’état d’hypothèse forte.

La récente glyphologie égyptienne[31] de Monsieur Renaud de Spens, thèse de doctorat, traite notamment de l’usage de la couleur dans les représentations des hiéroglyphes. L’on peut y voir plusieurs photographies du signe Ankh qui permettent d’en comprendre le caractère artisanal :

Figure 6 Page 586 de la Glyphologie égyptienne de Renaud de Spens

Remarquez notamment les occurrences n°243 du Tombeau de Nefer à Guizèh (IVème Dynastie – donc l’Ancien Empire), n°246-247 du cercueil de Djehoutynakht à la XIème Dynastie (au Moyen Empire), ou encore la référence n°251 du Tombeau de Qenamom à la XVIIIeme Dynastie, au Nouvel Empire.

Plus de 1000 ans séparent ces trois représentations mais toutes montrent bien que le pied de la croix Ankh est constitué des deux brins d’une corde formant une boucle. Ce cordage traverse donc un tasseau (en bois ?) percé, une cordelette enroulée autour de celui-ci assurant le serrage nécessaire au maintien du tout.

Sur la représentation en bois ci-contre au Musée de la Momification de Louqsor, nous notons les détails de la sculpture : le lien enroulé et serré autour d’une barre horizontale percée, l’anse la traversant clairement, sur laquelle le sculpteur s’est donné la peine de tracer une ligne blanche figurant la séparation entre les deux brins de la corde, rassemblés dans la verticale.

Pourquoi alors représenter ces détails sur un objet de l’époque du pharaon Amenhotep II (environ 1428 à 1400 avant l’ère commune) si cet objet n’était justement pas construit comme il est représenté encore à cette époque ?

Figure 7 XVIIIe dynastie provenant de la tombe d’Amenhotep II (KV 35)découverte en mars 1898 par Victor Loret (Source Blog Egyptophile)

Cette représentation résistera à plus de 3000 ans de transmission et tradition orale puisque dans l’actuelle religion copte, toujours pratiquée en Egypte, la croix ansée a conservé sa forme jusqu’à nos jours, même si les détails constitutifs comme le lien ont disparu.

Mais pour quelle raison cet objet de la vie quotidienne représente-t-il la vie ? Là s’arrête le niveau de connaissance des égyptologues à l’heure où nous écrivons ces lignes.

Nous disposons de sources, mais nous avons pas toujours l’intégralité des clefs de leur lecture. Et c’est uniquement sur ce point que réside l’origine inconnue, non pas que l’on ne sait pas d’où vient ce signe mais seulement nous manque sa racine culturelle.

Le signifié est donc connu (la vie, le vivant), sa valeur phonétique aussi (anx), mais pas sa prononciation en l’absence des voyelles, ni ce qu’est le signifiant exact qui en expliquerait le choix dans le système de représentation global – choix qui peut être purement phonétique !

Sortir les symboles du système d’écriture

Comme Mme Couvreur le dit elle-même dans la seconde séquence, vers le chrono 5:06,  « Hors texte, l’Ankh […] ». Mais bien plus que de les sortir du texte, c’est sortir les signes hiéroglyphiques de leur système d’écriture qui est un non-sens comme nous le montrons dans l’exemple suivant :

 « Hors texte, l’Ankh est parfois inclus dans un groupe de signes dont l’origine concrète est loin d’être évidente. Les mêmes hiéroglyphes, pas toujours tous à la fois, sont groupés un peu comme un logo, ne donnant pas vraiment de traduction cohérente. » (Symboles la croix Ankh, le pilier Djed et le sceptre Ouas en leitmotiv – source non précisée par la vidéo).

Il est en fait totalement erroné d’affirmer qu’il n’existe pas de traduction cohérente à cette juxtaposition symbolique : la séquence des trois idéogrammes S34, S40 et R11 signifiant anx, was, Dd, c’est-à-dire Vie, Pouvoir, Stabilité.

Cette séquence se trouve d’autant plus composée de trois sons ayant la valeur phonétique qu’ils représentent : cette formule est donc parfaitement prononçable et a un sens sémantique connu qui ne souffre d’aucune ambiguïté de traduction.

En quoi son contexte répété serait-il étrange ? Cette pratique est observable avec d’autres signes hiéroglyphiques – y compris l’Ankh –, dans les formules d’eulogie par exemple, qui suivent les titulatures royales et que nous évoquons maintenant.

La formule anx wDA snb traduite en approximation et usuellement par Vie, Force, Santé et même abrégée en V.F.S. est d’un usage extrêmement répandu, jusque dans la Pierre de Rosette[32] à la suite du nom de Ptolémée V – qui était grec – illustrant la pérennité temporelle de cette pratique dans l’écriture pendant plusieurs millénaires.

Bien connue des étudiants de première année en égyptologie, les formules d’eulogie[33] sont un incontournable dès lors qu’on aborde le chapitre des traduction des titulatures royales et noms des dieux.

Figure 8 anx wDA snb « Vie Force Santé »Figure 9 anx(=ty) D.T « Vivant pour toujours »Figure 10 d(w) anx « Doué de vie »

Il n’y a donc absolument rien de surprenant à ce que ces formules toutes faites ornent des représentations et des bâtiments au même titre que nous trouvons Liberté, Egalité, Fraternité sur les frontons de nos mairies.

La surinterprétation : une grossière erreur

L’erreur de compréhension précédente nous éclaire maintenant sur un mécanisme omniprésent dans cette vidéo – donc le ou les livres présentés – et qui ne peut se produire qu’en affirmant que les symboles étudiés ne sont pas compris par les autres : la surinterprétation – voire la paréidolie, forme d’illusion d’optique déjà évoquée par Mme Couvreur dans le choix de ses sources visuelles.

Il faut en effet isoler les symboles et les détacher de leur contexte pour que ce mécanisme s’installe amenant avec lui les absurdités les plus diverses. Et ce sont plusieurs fois que Mme Couvreur répète que les auteurs de la conjecture isolent les signes pour les interpréter.

Mais en faisant cela, ils font bien plus que les sortir du texte source : ils les sortent du système d’écriture tout entier, c’est-à-dire de leur sens sémantique authentique.

Le rôle de la séquence S3 est alors déterminant car il parachute littéralement un thème étranger à l’égyptologie : l’électricité. Et cela en s’appuyant sur de rares éléments exacts mais énormément d’éléments grandement contestés – voire fallacieux et frauduleux.

C’est ensuite que les six séquences S4 à S10 introduisent une série de multiples surinterprétations rapprochant plusieurs symboles hiéroglyphiques décontextualisés, de symboles d’électroniques ou matériels modernes sans autre considération qu’une simple et apparente ressemblance visuelle – par ailleurs très approximative et très discutable.

Par exemple, au chrono 9:29, la première surinterprétation consiste à superposer une croix Ankh « sous l’effet Lichtenberg » avec le schéma conventionnel d’une diode : un triangle équilatéral la pointe en bas, traversée d’un segment horizontal, le tout sur un axe vertical figurant l’entrée et la sortie du conducteur.

Figure 11 Un fondu enchaîné pour nous convaincre d’une ressemblance ?

Les séquences S4 à S10 traitant des signes du pilier Djed (R11), de la corbeille tressée Neb (V30), le nœud d’Isis, le Tyet (V39) et du sceptre Ouas (S40) surmonté de la tête de chacal (le dieu Seth probablement), montreront que tous ces hiéroglyphes sont surinterprétés par décontextualisation.

A chaque fois, Mme Couvreur tient des propos qui démontrent que Gruais et Mouny n’ont même pas pris la peine de rechercher le sens du signe à son origine dans la culture antique égyptienne, et alors que loin d’être du domaine des experts, ces connaissances sont faciles d’accès dans des ouvrages de référence élémentaires, tel un dictionnaire Larousse illustré ou une bonne encyclopédie – y compris certaines s’adressant à des juniors !

C’est dire le peu de sérieux et de crédibilité qui se dégagent de ces auteurs.

Mais à ce compte, nos auteurs auraient dû alors se pencher sur la totalité des milliers de signes hiéroglyphiques existant pour en trouver d’autres comme nous vous le proposons maintenant. Car ce ne sont pas les symboles électroniques qui manquent !

Code GardinerHiéroglypheAttribution phonétique erronéeErreur d’interprétation des égyptologues (trop dogmatiques ?)La vérité qu’on vous cache
N5zw (sou) hrw  (herou) ra (ra)Râ / Le jourInterrupteur, bouton de sonnette
N24e(aucune)Terre irriguéeMicro-processeur (probablement un 4bits à 1 MHz)
N35nFilet d’eauRésistance (symbole US)
N37a(aucune)Pièce d’eauRésistance (symbole européen)
O34z (s fort)VerrouCondensateur
O36inb (ineb)Mur fortifiéMicro-processeur
O48Nxn (nejen)Edifice préhistorique à HierakonpolisAmpoule
O49njwt (niout)Une villeAmpoule
R25(aucune)Emblème de la déesse NeithTransformateur ?
T_01(aucune)Filet de pêcheFusible
T3HD (hedj)Massue à tête de poireLampadaire de rue
T8Tpy (tepy)PoignardBouton d’arrêt d’urgence, buzzer

Le lecteur ne pourra ici que convenir des grandes limites de la méthode Gruais-Mouny qui amène d’autant plus à des interprétations complètement anachroniques.

Conclusion

L’égyptologue, comme l’archéologue ou l’historien, ne sait s’appuyer que sur les seules sources matérielles et/ou écrites disponibles. Pourquoi aurions-nous besoin d’extrapoler l’existence d’une très hypothétique civilisation antérieure de légende ? Pourquoi imaginer une relation entre l’Atlantide et l’Egypte des pharaons ? Et pourquoi s’évertuer à déposséder ces derniers des éléments fondamentaux de leur culture, notamment sa langue et son écriture ?

La croix Ankh est bien le témoin de plusieurs inventions technologiques : l’agriculture, le tissage et l’artisanat. La première suppose pour un Égyptien d’alors de très probablement déjà maîtriser l’irrigation et la sélection des plantes – voire peut-être des techniques de boutures – pour en pratiquer une culture raisonné dans un objectif choisi.

Les deuxième et troisième inventions sont la maîtrise manuelle de préparation du matériau puis son tressage, une technique artisanale aujourd’hui souvent méprisée par comparaison de nos technologies fortement mécanisées, mais très complexe pour qui s’y frotte par expérimentation encore aujourd’hui. Certes, elle est moins fantastique que la réalisation d’un composant électronique nécessitant par exemple du germanium[34] ou de l’arséniure[35] de gallium …

Mais une diode ou tout autre technologie en rapport avec l’électricité, n’a aucune utilité pour survivre dans le désert et se nourrir : s’approprier ainsi la croix Ankh sans essayer d’en comprendre son sens exact est tout simplement absurde.

Surinterpréter ces symboles, c’est surtout travestir la réalité d’une culture non pour l’étudier mais pour y introduire artificiellement des éléments d’une industrie justement familière à un ancien salarié d’IBM qui a voulu voir son propre métier dans un sujet qu’il n’étudie même pas. Et cela alors même que de tels composants électroniques demandent un niveau de connaissance qui ne sera atteint qu’au XIXe siècle – voir du XXe – des technologies qui demandent notamment des connaissances en mécanique quantique et en chimie des semi-conducteurs très complexes.

Mme Couvreur écrivait dans un commentaire que « l’académisme empêcherait certains de voir ». Vous vous trompez grandement Madame : c’est l’ignorance et le dogmatisme des vérités préétablies qui amènent quelques-uns à faire passer leur vessie pour des lanternes électriques dans des écrits fallacieux et très vite et très mal écrits.

Il suffit pour voir correctement de faire une chose très simple : ouvrir des livres, les lire et surtout travailler.

Nous terminerons notre propos par un regret : il est indéniable que Mme Couvreur a un vrai talent pour la réalisation de ses vidéos qui dégagent nettement un grand professionnalisme et une technique maîtrisée. Reconnaissons-lui aussi un certain talent de mise en scène et de narration. Dommage de mettre de tels aptitudes au service de contenus d’un si faible niveau de connaissance comme les livres de Gruais-Mouny. Une belle énergie qui mériterait d’être mieux employée.


[1] Cf. https://www.facebook.com/juliecouvreurvideos/ consulté le 21/05/2023

[2] Cf . https://fr.tipeee.com/julie-couvreur consulté le 29/01/2023

[3] [1] Guy GRUAIS et Guy-Claude MOUNY, Le Grand Secret du Sphynx de Guizèh, 1994, Editions du Rocher, 229 pages, ISBN13 : 978-2268017396 ;

Guy GRUAIS et Guy-Claude MOUNY, Le Grand Secret des Pyramides de Guizèh, 1996, Editions du Rocher, 238 pages, ISBN13 : 978-2268022550 ;

Guy GRUAIS et Guy-Claude MOUNY, Le Grand Secret du Signe de Vie : porte de la trans-communication ?, 1996, Mézarek, ISBN13 : 978-2910642037 ;

Guy GRUAIS et Guy-Claude MOUNY, Guizèh : au-delà des grands secrets, 1997, Editions du Rocher, 391 pages, ISBN13 : 978-2268025933

[4] Fiche Wikipédia de Guy-Claude Mouny : https://fr.wikipedia.org/wiki/Guy-Claude_Mouny

[5] Cf. https://www.miviludes.interieur.gouv.fr/sites/default/files/publications/francais/ra2010_mise_en_ligne.pdf consulté le 29/05/2023

[6] Cf. https://www.afis.org/Effet-Kirlian consulté le 29/05/2023

[7] XVIIIème Dynastie, traduit pour la première fois par En 1898, l’égyptologue anglais Sir Ernest Alfred Thompson Wallis Budge.

[8] T. Lobsong RAMPA, La Caverne des Anciens, 1978, J’ai Lu, ISBN 978-2277512264

[9] Cf. https://www.universalis.fr/encyclopedie/agastya/

[10] Sures Chandra Banerji, A Companion to Sanskrit Literature : Spanning a Period of Over Three Thousand Years, Containing Brief Accounts of Authors, Works, Characters, Technical Terms, Geographical Names, Myths, Legends, and Several Appendices, Delhi/Varanasi/Patna, Motilal Banarsidass Publ., 1989, 810 p. (ISBN 81-208-0063-X et 9788120800632)

[11] Claude CARRIER, Le Livre des Morts de l’Egypte Antique, Cybèle, 2009, 878 pages

[12] Cf https://egypte-eternelle.org/index.php?option=com_content&view=article&id=206&Itemid=411&lang=fr consulté le 29/05/2023.

[13] Les symboles hiératiques, bien qu’ayant les hiéroglyphes pour origine, sont très déformés et la croix Ankh et autres symboles ne sont plus alors ressemblant avec les représentations qu’elle offre

[14] Frédéric LENOIR, La rencontre du bouddhisme et de l’Occident, Paris, Fayard, p. 238

[15] Cf. https://www.ccmm.asso.fr/au-coeur-de-la-nebuleuse-tibetaine-le-cas-t-lobsang-rampa/ consulté le 29/05/2023

[16] Cf. http://www.ampere.cnrs.fr/histoire/parcours-historique/mythes/pile-bagdad consulté le 29/05/2023

[17] Cf. https://observers.france24.com/fr/ces-photos-ne-montrent-pas-des-ampoules-%C3%A9lectriques-de-l-%C3%A9gypte-antique consulté le 29/05/2023

[18] Cf. https://actugeologique.fr/2022/12/pas-de-vestige-de-latlantide-pres-des-iles-de-bimini/ consulté le 29/05/2023

[19] Cf. https://www.pharaon-magazine.fr/actualites/actualit/non-les-extraterrestres-n-ont-pas-construit-les-pyramides consulté le 29/05/2023

[20] Cf. https://www.herodote.net/L_unificateur_de_l_Egypte-synthese-1772.php consulté le 29/05/2023

[21] Cf. http://www.paloc.fr/fr/annuaire/gwenola-graff-6074 consulté le 21/05/2023

[22] Du nom du site archéologique de Nagada

[23] Cf. https://journals.openedition.org/pm/475 consulté le 21/05/2023

[24] Cf. https://www.levif.be/vivifiant/sciences/egypte-les-hieroglyphes-les-plus-anciens-et-les-plus-grands-decouverts-a-ce-jour/ consulté le 21/05/2023

[25] Dorothée KOECHLIN DE BIZEMONT, Les Prophéties d’Edgar Cayce, J’ai Lu New Age, page 101

[26] Faulkner, Raymond O., A concise dictionary of middle egyptian, Griffith Institute, Oxford, 1962, Planche 129

[27] Nous utilisons ici la technique de la translittération que connaissent tous les philologues étudiant l’égyptien ancien : c’est une notation conventionnelle phonétique des hiéroglyphes qui sert à les traduire

[28] Champollion, Jean-François, Principes Généraux de l’écriture sacrée égyptienne, 1822, ISBN 2-905304-00-6, pages 36 et 64

[29] Faulkner, Raymond O., A concise dictionary of middle egyptian, Griffith Institute, Oxford, 1962, Planche 43-44

[30] Gardiner, Alan Henderson, Egyptian Grammar. Being an Introduction to the Study of Hieroglyphs, Oxford University Press, London, 1950

[31] Renaud DE SPENS, Glyphologie égyptienne, 2021, Paris, ISBN 978-2-9583551-0-4

[32] Ernest Alfred Thompson Wallis BUDGE, The Rosetta Stone, 1929, Dover Pub, New-York

[33] Pierre GRANDET et Bernard MATHIEU, Cours d’Egyptien hiéroglyphique, Editions Kheops Egyptologie, 1997, chapitres 13-3, 32-3 et 45-4, ISBN 978-2-950436825

[34] Découvert le 6 février 1886 par le chercheur allemand Clemens Winkler

[35] Obtenu par réaction chimique de l’arsenic (utilisé comme poison dans des composés depuis l’Antiquité, probablement isolé vers 1250 par Albert le Grand) et du gallium, découvert en 1875 par le chimiste français Paul-Émile Lecoq de Boisbaudran. 

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